Quantcast
Channel: Journal d'un François au Japon
Viewing all articles
Browse latest Browse all 10

Élection de Masuzoe : vers la submersion de Tokyo ?

0
0

Les citoyen-ne-s de Tokyo ont élu leur nouveau gouverneur ce dimanche 9 février. Comme évoqué hier dans un article, seize candidats (dont un seul portant officiellement une étiquette de parti, uniquement des hommes, ayant pour la plupart plus de 60 ans…) étaient en lice pour cette élection destinée à élire un gouverneur non seulement pour la municipalité de Tokyo mais également pour sa préfecture qui se confond avec la ville et ses 23 arrondissements spéciaux. Cette victoire est plus qu’en demi-teinte puisqu’elle est marquée par une abstention record et de fortes chutes de neige dans une mégapole aux multiples visages. Retour sur cette journée riche en enseignements malgré tout.

Yoichi Matsuzoe

Le résultat de cette élection gouvernementale est un peu particulier puisque l’abstention s’élève à 53,86 %. C’est-à-dire qu’un-e Tokyoïte sur deux ne s’est pas déplacé-e aux urnes pour s’exprimer. Cette abstention est un record pour la ville de Tokyo. Un autre record ce week-end et ce dimanche dans la capitale nippone concerne la neige qui est tombée fortement (jusqu’à 27 centimètres en ville), causant plusieurs morts et de nombreux blessés. Cela a pu rebuter plus d’un électeur à se rendre aux urnes alors que Tokyo n’avait pas connu de telles chutes de neige depuis un demi-siècle. Les abords des bureaux de vote étaient pourtant dégagés pour permettre un accès aux dix millions d’électeurs que compte la ville.

Le premier constat est que l’abstention est le premier parti à Tokyo puisque plus de 5 millions d’électeurs ont choisi de ne pas choisir. Voici les résultats détaillés des candidats arrivés en tête :

  1. Yoichi Masuzoe – indépendant (soutenu par : Parti Libéral Démocrate, Nouveau Komeitô) – 2 112 979 – 42,86 %
  2. Kenji Utsunomiya – indépendant (soutenu par : Parti Communiste Japonais, Verts) – 982 595 – 19,93 %
  3. Morihiro Hosokawa – indépendant (soutenu : Parti Démocrate du Japon) – 956 063 – 19,39 %
  4. Toshio Tamogami – indépendant – 610 865 – 12,39 %
  5. Kazuma Ieiri – indépendant – 88 936 – 1,80 %
  6. Yoshiro Nakamatsu – indépendant – 64 774 – 1,31 %
  7. Mac Akasaka – Smile Party – 15 070 – 0,31 %

Le deuxième constat porte sur le choix des électeurs de désigner Yôichi Masuzoe (舛添要一) comme leur gouverneur pour quatre ans. En effet, cet homme de 65 ans est avant tout défenseur du nucléaire. Il est soutenu par le parti du premier ministre Shinzô Abe au pouvoir (le Parti Libéral Démocrate) ainsi que par son parti allié : le nouveau Komeitô. Masuzoe est également ancien ministre de la santé et du travail et fut adhérent au Parti Libéral Démocrate jusqu’en 2010 avant de rallier le nouveau parti de la réforme (新党改革) dont il devint alors le président. Pour l’anecdote, sa première femme était française et il a fait une partie de ses études en France. Le personnage est également connu pour ses propos sexistes, déclarant ainsi que « les femmes étaient inaptes à gouverner à cause de leurs menstruations » (sic). C’est suite à cela qu’un collectif de femmes a appelé à la grève du sexe envers les hommes qui voteraient pour lui. Je suis curieux de connaître la proportion de femmes ayant voté Masuzoe ! Ma camarade Corinne Morel-Darleux, en voyage en ce moment au Japon, a d’ailleurs écrit un coup de gueule féministe depuis Tokyo où elle constate certains travers dans les transports en commun ! Enfin, à travers le graphique suivant, on constate que les électeurs de Masuzoe sont majoritairement âgés de plus de 50 ans quand ceux des candidats anti-nucléaire et notamment de Kenji Utsunomiya se situent principalement sous la barre des 40 ans :

Nombre de scrutins par tranche d'âges
Nombre de scrutins par tranche d’âges via Asahi Shimbun.

Et enfin le dernier constat porte sur la deuxième position de Kenji Utsunomiya, candidat indépendant mais soutenu par le Parti Communiste Japonais. Celui-ci est également l’ancien président de la fédération japonaise des avocats du barreau. Il réussit à réunir presque un million d’électeurs soit près de 20 % des voix ! C’est une belle réussite malgré la forte abstention et montre que le travail des militant-e-s des partis ou des électrons libres le soutenant a payé. Le candidat a été très actif sur le terrain réel comme virtuel, ce qui est rendu possible depuis la loi sur les élections sur Internet d’avril 2013. Il était l’un des deux candidats opposés au nucléaire avec l’ancien premier ministre Morihiro Hosokawa, lui-même soutenu par Junichirô Koizumi ancien premier ministre anciennement pro-nucléaire ayant changé d’avis.

Les enjeux de cette élection étant particulièrement forts en termes énergétiques, et donc de choix quant au nucléaire, il est aisé de constater que ce sujet n’est pas la priorité des citoyen-ne-s de Tokyo… En effet, comme pour l’élection de Shinzô Abe la préoccupation principale des Tokyoïtes et donc l’enjeu principal des élections ne semble pas être le nucléaire mais plutôt la situation économique et les Jeux Olympiques de 2020. Le journal confirme cela par un titre révélateur : « la question énergétique n’a, encore une fois, pas été l’enjeu principal des élections ». C’est d’autant plus triste que le gouverneur de Tokyo a une influence certaine sur les choix du gouvernement. Alors que la lutte contre le nucléaire continue au Japon, il est légitime de se demander si il n’y a pas comme une fatalité face à la gestion de la catastrophe du 311. Gageons que le nouveau gouverneur ne se contentera pas de proposer du nucléaire et des jeux à ses administré-e-s car avec l’élection d’une telle personnalité Matsuzoe c’est à se demander si la submersion de Tokyo n’est pas proche.

Revue de presse :


Viewing all articles
Browse latest Browse all 10

Latest Images

Trending Articles





Latest Images